James Douglas Morrison, chanteur charismatique et parolier scandaleux des Doors, est né le 8 décembre 1943 à Melbourne (Floride) d’un père militaire et d’une mère femme au foyer. Après une prime jeunesse mouvementée, qu’il passa avec son frère, sa sœur et sa mère, en déménagements multiples en raison des déplacements que l’armée imposait à son père, ce fan d’Elvis Presley, féru de littérature et de poésie, finit par s’établir à Los Angeles (Californie) où il étudia le cinéma à la fameuse UCLA (University of California Los Angeles) dans la première moitié des années 1960. C’est à cette époque qu’il coupa définitivement les ponts avec la famille Morrison, l’éducation plus que stricte qu’il avait reçue l’ayant sans doute prédisposé à les quitter. On peut également conjecturer que Jim Morrison ne revit plus sa famille afin de la préserver, en raison du succès déferlant qu’il connut peu après avec son groupe The Doors. Fondée en 1965 avec Ray Manzarek (orgue-basse) — autre étudiant en cinéma, de plusieurs années son aîné, rencontré à l’UCLA — la petite formation se composait également de Robbie Krieger (guitare) et John Densmore (batterie).
La musique des Doors, savant mélange de jazz, folk, pop, blues et autres influences venant de l’éclectisme de ses membres, a souvent été qualifiée d’intellectuelle, sans doute en raison de la variété de styles qu’elle brassait, mais également à cause des textes de son chanteur, Jim Morrison, dont la voix claire et grave, puis rauque et profonde, berça de litanies poétiques surréalistes un public toujours plus nombreux, que n’a jamais diminué le fossé des générations.
L’image publique de Jim Morrison est avant tout celle d’un beau jeune homme aux boucles brunes, au regard bleu dans le vide, vêtu d’un pantalon de cuir noir, et qui se donnait en spectacle dans tous les sens du terme, à la scène comme à la ville. Les scandales ont émaillé sa courte vie : de nombreuses arrestations, pour exhibitionnisme, insultes à agents et ivresse publique notamment. De nombreuses maîtresses, et amants d’après certains, ont partagé sa couche, et les drogues les plus diverses lui seraient passées dans l’organisme.
Mais de Morrison lui-même, on ne sait finalement pas grand chose malgré les nombreux articles et les biographies qui lui ont été consacrées. Danny Sugerman, Ray Manzarek, ou plus récemment avec une petite touche plus racoleuse Stephen Davis et d’autres biographes, se sont penchés sur son cas, d’où il ressort que Jim Morrison était un être d’une grande gentillesse souvent occultée par ses tendances hallucinées (qui ne lui venaient pas seulement des drogues et de l’alcool qu’il ingérait comme on sait en quantité) et son ego, tantôt surdéveloppé, tantôt incertain. Personnage haut en couleurs ayant côtoyé les grands noms de l’époque — entre autres Jimi Hendrix et Janis Joplin avec qui il partage comme on sait la caractéristique d’être mort à 27 ans — Morrison a collectionné les maîtresses tout en restant à sa manière fidèle jusqu’à la mort à sa seule fiancée officielle, la charmante rouquine Pamela Courson. Cette dernière dissimulait elle aussi derrière son joli minois recouvert de taches de rousseur un grave penchant pour les drogues. Seul être sans tâche dans la vie de Morrison, son chien, Sage, un genre de labrador noir.
Mais Morrison s’est aussi montré avide d’une reconnaissance peut-être finalement mal assumée. Son image érotique et charismatique, qui lui a en partie valu son succès, l’a également poussé à s’enlaidir afin de montrer au public qu’il était capable d’autre chose : écrire, filmer. Il n’existe qu’une manière de se faire une idée de qui était vraiment Jim Morrison : lire ses poèmes, écouter les paroles de ses chansons, regarder les vidéos qui le montrent en concert ou les longs et courts-métrages que lui-même ou ses amis de l’époque ont réalisés, savoir ce qu’il lisait et les films et la musique qui le rendaient heureux ou créatif.
Sa fascination pour les Indiens d’Amérique et le désert est certainement éloquente, autant que son amour de la littérature. HWY. An American Pastoral, le dernier film réalisé par Morrison est emblématique de ses passions et de sa poésie particulière. Et ce sont ces facettes du personnage qui, en dehors de l’image de rebelle contestataire des années 1960 opposé à l’armée, aux politiciens, à la famille américaine modèle, sont restées dans les mémoires et ont profondément marqué les artistes qui lui ont succédé. L’ombre de Morrison plane en effet dans les œuvres les plus intéressantes d’hier et d’aujourd’hui, en témoignent des films tels que Easy Rider (1969) de Peter Fonda et Dennis Hopper, Fear and Loathing in Las Vegas (1994) de Terry Gilliam et The Big Lebowski (1998) des frères Cohen, qui à eux trois résument l’époque, l’état d’esprit, et rendent, consciemment ou non, un vibrant hommage à l’artiste et à son ère.
De même en littérature, Morrison, lui-même amateur d’Aldous Huxley, Oscar Wilde, William Blake et de bien d’autres figures mythiques de la littérature, et dont le style n’est pas sans rappeler un autre poète américain, Walt Whitman, a inspiré de nombreux textes. On le croise notamment dans l’excellente nouvelle de Stephen King : Rockn’ Roll Heaven, aux côtés encore d’Hendrix et de Joplin, et d’une pléiade de musiciens morts des années soixante. Il a également inspiré dans son œuvre lyrique Viggo Mortensen, et son fantôme plane sur de nombreuses productions et groupes.
Sa mort, dont les circonstances restent encore obscures aujourd’hui, a certainement contribué à ancrer dans l’imaginaire collectif la légende de celui qui se nommait, mi-sérieux, mi-ironique, le Roi Lézard. Les rumeurs les plus folles ont couru à ce sujet, allant de l’overdose à la crise cardiaque en passant par le meurtre et l’assassinat commandité par la CIA. En effet, on a parfois prétendu que Jimi Hendrix, Jim Morrison, Janis Joplin et d’autres figures de l’époque, mais aussi d’aujourd’hui, décédées dans la fleur de l’âge, avaient été jugés gênants par le gouvernement américain. Cette hypothèse paraît moyennement vraisemblable car, tout révolutionnaire libertaire et tout amuseur de foule qu’il ait été, on sait qu’avant tout Jim Morrison (comme toute autre star controversée d’hier et d’aujourd’hui — on pense également aux vagues générées par Marilyn Manson) était un artiste, et les artistes en viennent rarement à diriger les nations.
A 27 ans, usé, ayant vécu en quelques années ce que d’autres mettent une vie entière à expérimenter, Jim Morrison est donc mort, à Paris, comme Oscar Wilde, et sa tombe, comme celle de ce dernier, est sise au cimetière du Père-Lachaise où elle fait depuis plus de trente ans l’objet d’un véritable culte. Et tandis que certains visitent ce lieu mystérieux, d’autres fantasment sur le fantôme du chanteur des Doors, allant jusqu’à prétendre qu’il serait vivant et mènerait en secret une existence tranquille, un peu à la manière de ceux qui croient encore avoir croisé Elvis Presley, bien vivant lui aussi, un cheeseburger à la main. Reste que Jim Morrison nous a légué en compagnie des Doors un magnifique répertoire ainsi qu’une poésie passionnante et surréaliste.
Source :
www.music-story.net/.../tory.net/texte_person/Jim+Morrison